Fanny Sutter-TrajectoireFormation-2018
Le mardi 13 novembre 2018, la promotion des BPJEPS LTP a été invitée au rendez-vous des animateurs en gérontologie pour une journée sur le thème « personnes âgées et citoyenneté ». Cette journée thématique était la deuxième édition d’ « Anim’Acteurs », organisé par le groupe animation de la Coordination de Gérontologie du pays de Montbéliard. Cet événement, qui a eu lieu à l’espace Jules Verne, était l’opportunité pour les 90 professionnels présents de partager leur connaissance et leur expérience autour d’un thème bien souvent oublié : l’occasion de montrer que cet enjeu de société actuel nous convoque au rapprochement de l’éducation populaire et du travail social.
- Citoyenneté et personnes âgées - quelques repères :
Isabelle Moesch, sociologue et spécialiste des questions de gérontologie, nous explique que la citoyenneté est un terme dans l’air du temps. L’état de citoyen permet à une personne d’être reconnue comme étant membre d’une société sachant que chacun est libre de participer ou non à la vie publique de cette dernière. Etre citoyen, c’est être intégré, inclus. Cette démarche participe à la transformation sociale puisque l’animateur, l’acteur du champ social, par ses actions, vise l’émancipation des citoyens, des personnes âgées citoyennes. Les méthodes de l’animateur, doivent donc valoriser les ressources des personnes âgées plutôt que de mettre dans le viseur leurs difficultés, qu’il faudrait forcément compenser. L’animation doit être au service du développement et de l’amélioration du lien social par l’éducation populaire notamment.
Pourtant, longtemps, ce thème de « personnes âgées et citoyenneté » a été un problème social. En effet, à une époque, les ainés étaient considérés comme indésirables et étaient donc une menace pour notre société. En fait, la personne âgée était un poids, car elle n’avait aucune utilité pour la famille. Depuis, une lutte contre l’âgisme (toutes les formes de discrimination, de ségrégation, de mépris fondées sur l’âge) a permis à notre société actuelle de modifier cette vision. Finalement, à toute époque, c’est le regard porté sur la personne âgée qui va influencer son statut, sa place et ses rôles sociaux. La citoyenneté est donc une construction permanente.
La sociologue nous parle de trois manières de vivre l’avancée en âge aujourd’hui :
- Les personnes âgées enracinées :
En général, il s’agit des personnes qui sont ancrées dans un territoire, qui ont une place dans « la cité ». Leurs familles ne vivent pas loin et un aidant les accompagne. L’arrivée en institution de ces personnes est plutôt difficile, car ils n’arrivent pas à retrouver leur place.
- Les personnes âgées mobiles :
Ces personnes âgées se sont investies dans les associations jusqu’à leur entrée en institution. Ainsi, leur réseau est aussi grand que leur investissement. En plus de cela, ces aînées veulent avoir le droit de décider jusqu’au bout et ils sont très preneurs de savoir concernant leurs droits et leurs obligations.
- Les personnes âgées fragiles :
Cette manière de vivre l’avancée en âge est différente. En effet, les personnes âgées fragiles ont beaucoup de mal à mobiliser leurs liens sociaux si elles ne sont pas encouragées. Paradoxalement, elles s’insèrent très bien dans les institutions. En effet, c’est comme si l’institution leur procurait un lien social stable.
Ces trois manières de vivre l’avancée en âge montre que la citoyenneté est vécue différemment selon les modes de vies, les valeurs de chacun. La désinstitutionalisation des âgés doit permettre au travail social de repenser ses façons de faire pour s’adapter aux nouvelles normes d’inclusion de tous les citoyens, dont ceux qui sont les plus fragilisés, dans notre société actuelle. Pour cela, les professionnels de l’éducation populaire et du travail social doivent s’engager à accompagner les personnes âgées à (re)devenir des citoyens acteurs de leur avenir dès leur entrée en institution.
- Un double accompagnement à la citoyenneté :
L’amélioration de la qualité de la vie sociale dans les institutions accueillant les personnes âgées est l’un des axes développés par les acteurs de la gérontologie (animateurs, aides-soignants, aides médico-psychologique…). Des passerelles entre les travailleurs sociaux et les professionnels de l’éducation populaire doivent être faites. De plus, l’évolution des missions de chacun et de l’environnement institutionnel des structures, ainsi que les différents partenariats auxquels elles mènent, font que ces passerelles sont déjà à l’œuvre. Cette amélioration de la qualité de vie sociale des aînés doit faire l’objet de réflexions et d’actions communes pour permettre une articulation de ces deux mondes au service du public.
L’aide à la citoyenneté passe par la sensibilisation aux questions et aux représentations liées à l’avancée en âge. L’animateur, pour promouvoir les éléments protecteurs de la citoyenneté peut :
- Valoriser et réaffirmer les rôles sociaux,
- Permettre l’empowerment (le pouvoir agir et le pouvoir d’agir) en mettant en avant la participation, les compétences, l’estime de soi, et la conscience critique des personnes âgées,
- Former et informer les personnes âgées de ce que l’on peut modifier pour leur autonomie et leur dépendance.
Le rôle de l’animateur ou du travailleur social est donc de favoriser l’action des personnes âgées et d’animer l’« âme » de chacun. L’avis, la parole, le désaccord, le mécontentement ou la prise d’initiative des personnes âgées doivent être mis en avant et valorisés.
- Des projets innovants :
Les différentes interventions proposées dans la journée ont permis de réaffirmer aux professionnels qu’il était possible de favoriser la participation des personnes âgées et de les impliquer dans leurs propres décisions. De nombreux projets déployant le thème de la citoyenneté sont réalisables avec les personnes âgées : le conseil de vie sociale, le café débat, le café d’accueil, les réunions de familles, la démarche « citoyennage »…
Dans une période de contraintes économiques comme la nôtre, des travaux d’expérimentations et d’innovations auprès des personnes âgées sont redynamisantes et paraissent aujourd’hui incontournables. Il faut prendre appui et valoriser ces initiatives émergentes. Selon nous, c’est le cas de l’action « citoyennage ».
Focus sur la démarche nationale « Citoyennage » :
Le projet « citoyennage », comme son nom l’indique, lie la Citoyenneté et le Grand âge. Cette démarche est un moyen d’expression initié par l’AD-PA (Association des Directeurs au service des Personnes Agées) qui doit permettre de libérer la parole des ainés. En effet, aujourd’hui encore, il arrive trop souvent que l’on décide « pour » les personnes âgées.
Maryline Bovee, directrice de l’EHPAD Résidence du Parc à Audincourt et correspondante AD-PA s’est lancé avec son équipe et six de ses résidentes dans l’aventure « Citoyennage » avec l’association d’aide à domicile Colchique de Belfort. Le projet doit permettre de réunir les ainés autour d’un thème qu’ils choisissent eux-mêmes. Pendant plusieurs séances, le thème est travaillé sous plusieurs angles, selon les envies des personnes âgées et des animateurs. La finalité doit être la présentation du travail réalisé aux familles, aux collectivités sous plusieurs formes) sketchs, questions-réponses, chansons, débats…). A Audincourt, le projet à eu de grandes répercussions positives. Les résidentes ont été invitées à débattre au niveau national à Paris et ont même été reçues à l’Assemblée Nationale et au Sénat. Elles ont même pu rencontrer le premier minsitre.
Pour les personnes âgées, la démarche est rapidement devenue un objectif de vie car entre rencontres, rires et pleurs, les personnes âgées se sont prises au jeu : « Citoyennage, c’est ma psychothérapie » ; « Si le projet se termine, je n’aurais plus qu’à attendre la fin »…
Un beau projet de l’exclusion à l’inclusion que vous pouvez découvrir en vidéo via ce lien :
https://www.youtube.com/watch?v=8CpIDsPRmG8
Et après ?
L’après-midi de cette journée thématique était consacré à des ateliers d’échanges entre professionnels. Ils devaient permettre à chacun de partager ses expériences, ses difficultés dans le but de trouver ensemble des leviers sur des thèmes divers : la gestion de l’argent en établissement, le droit de vote du citoyen en institution, la prise de risque en établissement, la participation du résident dans la vie locale, la favorisation de l’expression du résident. Autant de sujets, que nous, animateurs, nous devons empoigner dès maintenant, car c’est l’occasion de montrer les rôles que peuvent jouer l’animation et l’éducation populaire dans le travail social. En effet, nous sommes ancrés dans de multiples formes d’individualismes et le lien social pour tout le monde est un besoin fondamental. L’animation est capable de servir au développement et au renforcement de ce lien. Nous devons repenser nos pratiques et notamment prendre en compte l’environnement comme une clé d’expérimentation, car l’animation est une opportunité pour développer une approche participative et émancipatrice de l’institutionnalisation des personnes âgées.