©Guillaume Dopus - Le plus difficile
Cette journée s’inscrit dans l’axe « développement de la co-éducation » du Réseau Education Prioritaire l’Éducation Nationale. Depuis deux années, sont ainsi organisées des journées de formation à destination uniquement des enseignants. Lors de la précédente formation, il est apparu comme une évidence qu’il n’était plus possible de faire sans les familles. Trajectoire Formation a donc été sollicité pour animer cette première journée en présence des représentants d’élèves et d’enseignants volontaires de l’école.
Y participent ensemble, Pauline Fattelay et Michelle Ballanger, la première en tant que formatrice, la seconde en tant qu'enseignante. Elles font parole commune pour mettre en mots et en analyse le déroulé de cette journée fort attendue.
On peut commencer par la fin en disant que cette journée a mis ensemble, dans un cadre d'échange et de dialogue, les enseignants et les parents de l'école. On a vu s'instaurer rapidement un dialogue constructif, d'égal à égal, qui a été la base pour permettre d'aller plus loin dans les échanges. Certaines représentations que pouvaient avoir les parents sur les enseignants et vice versa ont été déconstruites, éclaircies. Les mots, les idées se sont précisés. Le groupe s'est largement accordé sur le fait qu'ils sont tous "dans le même bateau" pour accompagner les enfants. Certainement est-ce une évidence mais les échanges ont montré que le bateau pouvait avoir plusieurs capitaines et qu'il n'est pas toujours aisé de faire avec l'autre...
Alors pourquoi cette réussite cette fois-ci ? Qu'est-ce qui était différent des autres tentatives ? La méthode, le cadre, le temps disponible, l'intervention de personnes extérieures à l'école et même au quartier ont contribué à créer, de fait, un état d'esprit et de travail différents de ceux habituellement impartis au dialogue école/famille.
Il y avait un parti pris dans la méthode : chacun peut, de sa place, parents comme enseignants, apporter quelque chose à l'autre. Cette méthode, qui s'appelle le croisement des savoirs, n'avait jamais été utilisée pour mettre en travail la parole des deux capitaines. Elle surprit mais permit de parler et d'écouter ce que chacun avait à dire et à entendre. Pour cela, il est nécessaire de reconnaître la légitimité de chacun, en faisant travailler tous les participants sur le même objet, de la même manière. Et d’aller encore plus loin, en séparant dans un premier temps les deux capitaines, chacun de leur côté, afin que s'exprime librement la parole entre pairs. Ce n'est qu'une fois qu'une parole collective a été posée par chaque partie que l'on peut croiser les regards. Cela est indispensable pour éviter qu'un capitaine prenne le dessus sur l'autre, ou refuse de l'entendre.
L'objet de travail était le temps de rencontre quotidien entre enseignants et parents "au portail". Cette barrière physique marque l'entrée de l'école et a dû être réaménagée récemment pour des raisons de sécurité. Au delà de l’objet physique, cette journée a révélé combien ce "passage" était aussi porteur de barrières symboliques entre le monde de l'école et celui des familles, parfois étrangers l'un à l'autre. Des mots très durs ont été formulés. Les difficultés qui ont été exprimées ne sont-elles dues qu'à un aménagement urbain? Y travailler permettrait-il de casser aussi les barrières symboliques? L'expression des tensions sous-jacentes et des attendus collectifs pendant la formation a révélé combien ce lieu et ce temps de passage étaient également celui sur lequel et pendant lequel il était possible d'instaurer le dialogue.
On a ici un objet de travail précis qui permettra de faire projet collectif entre ces deux capitaines, qui, s'ils ne connaissent pas encore la route à suivre, savent qu'ils veulent faire le voyage ensemble.
Michelle Ballanger et Pauline Fattelay