Guillaume Dopus - Tous en ronde
Depuis octobre 2018, Trajectoire Formation expérimente une nouvelle modalité de formation : les ateliers du mercredi. Ce sont des temps de formation ouverts à toutes les promotions présentes ce jour-là. L’idée est de renforcer l’interconnaissance des métiers, des formations et des personnes engagés à Trajectoire Formation. Les stagiaires s’inscrivent ainsi à l’atelier qui les intéresse, avec, au choix, par exemple : « De la poésie au slam », « Meetic d’écriture », « Revue de presse », « Ethique et tac », « Recycréer », « La langue des signes, outil de coopération », … Nous vous proposons une série d’épisodes dans Trans-Formations dans lesquels nous donnons la parole aux participants.
Episode 2 : « ce qui se joue ici, peut se jouer ailleurs ».
Aujourd’hui, on m’a soumis une injonction paradoxale : être là, agir dans le contexte (donc être pleinement mobilisée dans la situation vécue) et écrire un article sur ce à quoi j’allais participer (donc être en observation, me donner les moyens d’en rendre compte).
J’ai choisi de vivre l’expérience, d’abord. Et c’est de résonnance qu’il sera question ici.
À Trajectoire – tel que je le vis – on ne forme pas, on transforme. Et l’expérience formative est un temps de mutation qui – parce que le danger de la formation formatante et individualisante est connu – cherche à déconstruire et à permettre l’émergence d’un processus de recherche des formes continu et collectif. Les formes de nos professionnalités, de nos mondes professionnels, les formes que prennent nos démarches, nos projets.
Chaque individu est ici acteur avec, dans et par le collectif, de cette période d’apprentissage.
Et cet après midi, nous avons participé aux premiers ateliers inter-promotions. L’objectif : faire se rencontrer animateurs, coordinateurs, directeurs en devenir, autant de personnes qui se croisent dans les locaux et qui travaillent – ou travailleront – ensemble dans les structures du territoire. Les salariés des associations. Des tas d’associations. Mais pas que.
Alors on a choisi un thème qui nous plaisait bien, ou ne nous déplaisait pas trop. Et bon an, mal an (avec empressement nous a-t-on dit), on s’est installé autour d’une table pour se plonger durant trois heures qui sur la question de l’éthique, qui sur la créativité, qui sur la poésie (ben oui, à Traj, on manie les mots, les vers, les rimes, ceux qui lient, délient, relient…).
Mais que se passe-t-il vraiment derrière les portes de ces ateliers?
Des individus, des professionnels ou futurs professionnels vivent l’expérience d’un traitement commun d’un sujet/objet de travail.
Réunis autour d’une même table, suivant les mêmes consignes, des personnes prennent le temps de réfléchir sur leurs représentations, apprennent à se comprendre en définissant quel sens chacunE met à un même mot, cristallisent collectivement un tissu d’informations, se livrent et se délivrent.
Des individuEs, bien particuliers, tous particuliers, mettent à contribution d’une construction collective leurs savoirs théoriques, d’action et d’expérience – et construisent simultanément un nouveau savoir expérientiel… Ici, personne ne sait mieux qu’un autre, personne n’éduque personne. Ici s’étalent, s’étirent, se démultiplient les nuances, une mosaïque formidablement complexe, sans complexe.
Et persiste, à l’issue de ces trois heures, dans ces salles vides, l’écho impalpable et pourtant quasi tangible un instant auparavant d’une intelligence collective. Force. Vecteur exponentiel.
Nous n’avons pas appris ou produit quelque chose chacunE dans notre coin. Nous avons pris le temps d’accorder nos perceptions pour construire ensemble un cadre satisfaisant le déploiement d’une réflexion commune.
J’ai vécu cette expérience. ChacunE avait sa place. Chaque place avait son sens. Chaque sens a fait sens.
J’y trouve des possibles. Proches. Imminents. Urgents. Ces gens autour de moi sont mes collègues, et nous sommes dans l’antichambre des prises de décision consensuelles. Je connais ce sentiment d’efficience collective, je le vis dans mes pratiques militantes.
Un pas, nous – je – n’avons qu’un pas à faire pour que ce qui se joue ici, se joue enfin ailleurs et partout.
Pour que nous – moi –, nos structures – ma structure – portant bien haut tout un tas de valeurs, travaillent d’abord en leur – son – sein les véritables conditions de la participation et de l’émancipation.
Élodie Chardon