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Va-t-on y arriver un jour ? - Colette Chagnot - Trajectoire Formation

C'est dans les méandres que se cache la richesse
© Guillaume Dopus - C'est dans les méandres que se cache la richesse |

 

Je referme mon bloc-note et range mon stylo.

 

Depuis deux heures Amina, présidente, et Chahrazed, salariée, me parlent de leur association « Des Racines et des Feuilles ». Initié en 1999 par un groupe de femmes se posant des questions sur l'éducation de leur(s) enfant(s), ce collectif de « mères françaises et pas françaises » s'est structuré en association en 2002. Le projet, conforté et enrichi au fil des années, est à la fois simple et puissant : œuvrer dans le champ éducatif et social auprès des enfants et des jeunes pour qu'ils deviennent citoyens et construire du vivre ensemble sur le quartier à travers des projets à destination de tous.

Cela fait donc plus de dix-huit ans que ces femmes et mères se questionnent sur le thème « être ici et venir d'ailleurs ». Le nom de leur association fournit un début de réponse : les racines pour l'histoire, la culture, et les feuilles pour l'après, l'avenir. L'avant n'est nullement renié mais nourrit au contraire ce qui se déploie.

Ces habitantes vivant pour la plupart dans un quartier d'habitat social de Besançon sont confrontées à bien des problèmes dans bien des domaines. Dès leurs premières rencontres, en 1998, il leur est toutefois apparu évident qu'une de leurs priorités devait être de contribuer collectivement à l'éducation de leurs enfants en veillant à ce qu'ils grandissent en connaissant leurs cultures d'origine. Elles estimaient également qu'elles devaient « donner à la société » car, comme dit aujourd'hui Amina, « nous ne voulions pas être considérées comme des boulets ». 

Pour Amina, Chahrazed et les autres militantes de l'association, pas question, « d'être étrangères  toute leur vie ». Elles voulaient être LÀ et LÀ : LÀ en tant que femme de culture musulmane et LÀ en tant que citoyenne. Pour elles, il n'y avait pas, et il n'y a toujours pas, d'ambiguïté entre ces deux LÀ et c'est la raison d'être de l'association Des Racines et des Feuilles. Amina explique cependant que cette double position a toujours été compliquée à faire comprendre à leurs différents interlocuteurs.

Ces soupçons sont encore davantage exacerbés dans le contexte actuel, notamment parce que les femmes qui sont impliquées dans Des Racines et des Feuilles portent, pour certaines, le foulard ce qui les rend suspectes de « communautarisme religieux ». Amina, en tant que présidente et comme toutes les autres femmes de l'association, se refuse à tout discours militant sur le foulard. Pas question donc de s'embarrasser de la question du religieux et de ce soi-disant communautarisme dont certains les accusent, et encore moins de tomber dans la victimisation. Leur bataille, c'est le vivre et l'agir ensemble ; leur slogan, c'est « Viens comme tu es ». Les valeurs et principes de l'association sont la liberté de choix, l'égalité, la fraternité et la laïcité.

Pour elles, c'est clair : le foulard n'est pas un problème et elles défendent haut et fort cette position. Leur droit à la différence (et à l'indifférence !) est cependant contesté... au nom d'une certaine conception de la laïcité... Amina évoque ce qu'il y a d'insupportable à être trop souvent confronté à des regards désapprobateurs ou hostiles et aux émotions irrationnelles que peut provoquer le simple fait d'être soi et notamment par le biais du vestimentaire. Elle n'admet pas que l'exercice d'une liberté constitutive de la République, à savoir la liberté d'opinion et de croyance (la laïcité dans le vocabulaire du moment ), puisse fonder la suspicion de quelques associations du quartier, de certains habitants ou personnalités publiques.

Pour Amina, la laïcité est mise « à toutes les sauces » et certaines utilisations politiciennes de ce principe entravent fortement un vivre ensemble déjà bien malmené. Elle est consternée par les contre-sens et les amalgames qui tendent à rendre la question de plus en plus confuse. Mais, explique Amina « nous sommes habituées à ramer à contre-courant » et nous sommes plus que jamais déterminées à faire vivre une laïcité respectueuse de la liberté de pensée et favorable à la cohabitation de toutes les opinions et sensibilités.

 

Je n'écris plus et Amina conclut : « mais va-t-on y arriver un jour ? »

 

Texte écrit à partir de la rencontre avec Amina Benaddi et Chahrazed Karoui-M'Barek, en présence de Murielle Taïeb (autre membre fondatrice de l’association) et de Mouin Taïeb, bénévole à l'association.

Interview réalisée le 9 décembre 2016 par Colette Chagnot

 

Et pour poursuivre ...

https://desracinesetdesfeuilles.org

https://www.facebook.com/desracinesetdesfeuilles/

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